Entretien avec Thomas H. Ogden, par N. Gougoulis et K. Driffield. Pour une nouvelle sensibilité analytique ou « que veux-tu être quand tu seras grand ? », Le Carnet Psy.

Thomas H. Ogden est un psychiatre et psychanalyste américain, né en 1946. Son œuvre, héritière des conquêtes postbioniennes, est aujourd’hui considérée comme l’une des plus robustes et novatrices de la psychanalyse contemporaine. Il est l’auteur d’une dizaine d’essais psychanalytiques traduits en 18 langues, et de trois romans. Ancien psychiatre à la clinique Tavistock, à Londres, il est membre de l’Institut psychanalytique de Californie du Nord et de l’Association psychanalytique internationale, co-fondateur et directeur du Center for the Advanced Studies of the Psychoses, à San Francisco.
Réalisé en 2020, cet entretien passionnant et chaleureux, mené par Nicolas Gougoulis et Katryn Driffield, est paru en anglais octobre 2021, à l’International Forum of Psychoanalysis. Carnet psy le publie ici à l’occasion de la parution du dernier ouvrage de l’auteur, Vers une nouvelle sensibilité psychanalytique. Dans ce livre, Ogden plaide pour une pratique décidément tournée vers les capacités thérapeutiques et transformatrices de la rencontre analytique, vécue comme l’outil d’une psychanalyse « ontologique ».
La traduction est assurée par Jean-Baptiste Desveaux.
N. G. & K. D. — Pouvez-vous nous raconter comment vous êtes devenu psychanalyste ?
Thomas H. Ogden — Ma rencontre avec la psychanalyse a eu lieu assez tôt dans ma vie. Ma mère a commencé une analyse lorsque j’avais 3 ans (c’était en 1949). Elle n’a jamais employé des termes ou des concepts psychanalytiques en parlant avec moi, mais, rétrospectivement, je crois que son analyse lui a donné une capacité d’introspection plus grande qui a eu une influence sur ses manières d’être auprès moi. Je me souviens aussi que son analyste était une présence supplémentaire à nos dîners chaque soir, avec ma mère, mon père et mon frère cadet… À l’âge de 6 ans, j’ai dû commencer une thérapie psychanalytique qui a duré environ 3 ans. J’en ai gardé de nombreux souvenirs, et déjà à l’époque j’étais tout à fait conscient que cela (parler et jouer, tout simplement) m’avait considérablement aidé à surmonter mes difficultés.
Mon père n’était pas très ouvert à la discussion, il était plutôt absorbé par son amour des arts, surtout de la peinture et de la musique. Parfois, le soir, je m’endormais en l’écoutant s’entraîner au piano, reprendre un passage encore et encore d’une manière qui me réconfortait profondément. Mon père avait servi dans le Pacifique durant 4 ans, à la Seconde Guerre mondiale, et en était revenu avec ce qu’aujourd’hui on appellerait « syndrome de stress post-traumatique » et que, à l’époque, on appelait « ne jamais parler de sa vie de soldat ». Il a longtemps cherché un analyste susceptible de pouvoir l’aider, puis, après pas mal d’années, il a fini par en trouver un, quand j’entrai dans l’adolescence. C’était un analyste chevronné, qui possédait cette capacité de faire ce que j’estime être le plus important chez un analyste : inventer la psychanalyse pour chaque patient.
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