La rêverie dans la situation analytique : de l’imaginaire aux transformations psychiques

Vient de paraître dans le numéro 55 de la revue belge Cahiers de psychologie clinique mon écrit sur la rêverie en psychanalyse.

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Après avoir présenté la rêverie dans la vie ordinaire, l’article propose d’en observer les modalités d’émergence au début de la vie, puis d’interroger ses spécificités au sein du travail psychothérapique et psychanalytique. La rêverie, en tant qu’activité du fonctionnement psychique intermédiaire entre veille et sommeil, permet au sujet d’accéder à des contenus psychiques inédits. En étant partagée par la mise en récit au sein de la séance, le patient peut travailler ses expériences jusqu’alors non subjectivées et accéder à des vies non-vécues, des potentiels encore non intégrés subjectivement.

Extraits:

Il arrive ainsi que nous « tombions en rêverie », qu’une sensation, une image ou une pensée nous saisisse malgré nous et que nous acceptions de nous laisser ainsi porter, au gré du vent de ces pensées flottantes. Lorsque la pensée vagabonde, se forment en nous des images (que nous pouvons ou non intégrer, accepter de percevoir), apparaissent des sensations (que nous pouvons ou non ressentir), des pensées (que nous identifions ou caractérisons par des noms ou au contraire que nous laissons errer à l’état sauvage), constituées d’éléments nouveaux ou de traces mnésiques et autres souvenirs identifiés. Ces rêveries, qui ne sont pas des réflexions, nous plongent dans un état intermédiaire entre la pensée élaborée et le rêve. L’activité de rêverie se comprend ici comme un flux constant qui parcourt l’activité psychique et qui varie en intensité en fonction des états de conscience du sujet, ses formes légères permettant le maintien d’un contact avec le monde extérieur, ses formes radicales, proches de l’activité délirante, entravant tout lien avec l’environnement immédiat.

À l’instar des expériences oniriques nocturnes, la présence de la conscience du sujet et son sentiment d’agentivité à leur égard peuvent osciller : le sujet peut se percevoir en train de rêver, parfois même avoir la sensation de pouvoir diriger un scénario, ou encore de re-rêver une séquence si l’issue a généré trop d’angoisse. De la même manière, au sein des rêveries diurnes, les pensées-rêvées qui apparaissent peuvent sembler venir d’ailleurs, ou bien être suscitées ou provoqués, elles peuvent sembler être des pensées-rêvées sauvages ou d’autres fois apprivoisées par le moi du sujet. Les rêveries flash semblent le plus souvent surgir au sein de l’esprit malgré toute volonté subjective ou intention consciente, là où les rêveries scénarisées en longs ou courts métrages, semblent avoir été produites et agencées à partir d’une initiative pré-consciente ou consciente du sujet. Plus les images générées mentalement sont sommaires, floues, incertaines, et plus nous nous rapprochons de formes non-pensées, relevant du registre de la symbolisation primaire ; plus ces images nous semblent définies, identifiables par des mots et modulables, et plus nous avons affaire à la mise en formes de processus selon les logiques de la symbolisation secondaire.

Il semble du devoir de l’analyste contemporain de rester constamment en contact avec les enjeux de la réalité externe subjective du patient et de son environnement, soutenant une attention tant envers l’inconscient du sujet qu’envers sa réalité de vie, toute subjective soit-elle. Lorsque cette prise en compte de l’environnement psychique du sujet est délaissée, l’activité analytique risque alors de tourner à vide et de prendre la forme d’une chimère auto-satisfaisante pour les deux acteurs ; l’espace analytique devient alors un espace hermétiquement coupé du monde, un abri antisocial. Sans doute est-il préférable pour l’analyste de ne « rêver » que d’un œil.

Desveaux, J.-B. (2020). La rêverie dans la situation analytique : de l’imaginaire aux transformations psychiques. Cahiers de psychologie clinique, 55(2), 15-37. doi:10.3917/cpc.055.0015.

https://www.cairn.info/revue-cahiers-de-psychologie-clinique-2020-2-page-15.htm


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